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[Lumière sur] Aline DENIAU, promo 2016, expatriée au Vietnam

Archive du 27/04/20 – Pour cette nouvelle édition du projet Lumière sur, nous rencontrons Aline Deniau, qui nous présente ses missions et sa vie à l’étranger, son parcours pour y arriver ainsi que les obstacles qui ont pu le jalonner.

Peux tu nous en dire plus sur ton entreprise et tes missions actuelles ? Je travaille pour une des filiales de l’entreprise qui s’appelle SMS (Sustainability Management Services) et n’est pas rattachée directement au négoce de café, mais plutôt tournée sur le développement de services et formations aux producteurs, orientée donc sur la production agricole. Cette division s’occupe de la certification des producteurs et de la conformité de leurs pratiques par rapport aux cahiers des charges des différents labels. D’une façon générale, la division a pour but d’améliorer les pratiques pour permettre une meilleure rentabilité aux producteurs et une meilleure performance environnementale. Selon les origines, les activités se font sur la base de projets à durée limitée, fondés par des organisations, par exemple, ou font partie intégrante d’un business model.

En tant que chef de projet, je suis en charge d’implémenter les activités et les business que nous développons avec comme objectifs d’améliorer les pratiques agricoles et de rendre la production de café durable et donc attirante pour les producteurs. Au Vietnam, les défis majeurs sont notamment l’utilisation intensive d’intrants, la mauvaise gestion des produits phytosanitaires avec les risques que cela présente.

Avec l’équipe, nous mettons en place de nouveaux services tels que l’analyse de sol; le producteur, mieux informé, peut ensuite optimiser ses intrants et ses coûts, adaptant ses pratiques aux conditions qui sont propres à sa parcelle. J’ai donc la chance de passer du temps sur le terrain ce qui permet de voir le progrès concret des projets et de rencontrer les parties impliquées dans les projets, malgré la barrière de la langue! A côté de ça, il y a évidemment des rapports d’avancements, financiers et du relationnel avec nos différents partenaires (organisations, instituts de recherches, acteurs privés).

Finalement, une autre de mes missions, et pour laquelle j’ai été recrutée initialement, est plus orientée achats. Le projet initial était de faire une étude de faisabilité ainsi qu’une étude d’impact sur l’achat direct d’arabica auprès d’un groupe de producteurs. Au Vietnam il y a de nombreux intermédiaires entre le producteur et l’usine, ce qui dilue beaucoup le prix payé au producteur, la qualité reçue et complique la traçabilité. Avec l’achat direct, nous payons les producteurs directement pour la qualité qu’ils fournissent, ce qui permet de les rémunérer à un prix individuel plus juste et améliore la qualité du café reçu. Cette année, c’est la troisième récolte que l’on fait de cette manière, avec une centaine de producteurs impliqués. Je suis en charge de la vente de ce café, et essaye de valoriser l’origine Vietnam dans les gammes dites de Spécialité, ce qui m’amène également à faire un peu de recherche de clients.

Quel rythme de travail ?

Je fais la plupart du temps du 8h-18h, mais si je suis sur le terrain il n’y a pas d’heure et il m’est arrivé de travailler le samedi. Etant donné que j’adore ce que je fais, je ne compte pas vraiment! Par contre il faut savoir qu’en Asie il y a peu de vacances (environ 15 jours annuellement) et de jours fériés!

Quel parcours t’a amené là ? Avais tu fait tes stages à l’étranger ?

Après l’école, je n’étais pas trop fixée sur ma voie, sur ce que je voulais faire. Je n’étais pas spécialement attirée par les opportunités classiques en industrie agroalimentaire sur lesquelles on débouche généralement après le diplôme. J’ai la chance d’avoir des parents qui m’ont soutenu au cours de mes études et m’ont permis de faire une année supplémentaire. J’ai donc cherché un master spécialisé, plutôt orienté sur le développement durable, mais en essayant de garder un pied dans la production alimentaire et leurs filières afin de valoriser mon diplôme d’ingénieur. C’est comme ça que j’ai trouvé le master spécialisé Innovationpourdessystèmesalimentairesdurables à Montpellier Sup Agro. On y étudie les politiques publiques alimentaires, l’évaluation d’impact environnemental ou encore l’innovation produit. Le master est conclu par une mission professionnelle, qui m’a amenée au Vietnam, où j’ai ensuite enchaîné des contrats successifs “à durée déterminée”. Ici la durée des contrats pour les étrangers dépend de notre permis de travail ou de résidence; souvent informellement renouvelables, mais on ne parle pas vraiment de CDD ou de CDI.

Qu’est ce qui t’a motivée à partir au Vietnam faire ce travail ?

Je n’ai pas particulièrement choisi le Vietnam au début, je cherchais surtout un projet qui faisait sens pour moi. J’avais envie de participer à un projet qui collait avec mes principes dans un domaine qui me plait, mais sans avoir la filière du café en tête.

Comme j’ai vécu une bonne partie de ma vie en Asie du sud-est avec ma famille, j’avais envie de retourner dans cette région et de vivre ma propre expérience d’expatriation. J’ai entendu parler d’Ecom Trading et les ai contactés, ils cherchaient plutôt un profil agronome au début, mais nous avons ensuite discuté d’autres options et avons construit un projet de cette façon. C’est là que j’ai commencé la mission dont je parlais au début, l’étude de faisabilité sur l’achat direct aux producteurs.

Comment vis tu l’expatriation ? Comment t’adaptes tu à la différence culturelle ?

En fait je n’ai jamais eu spécialement envie de travailler en France, même si je ne peux pas comparer puisque j’ai fait tous mes stages à l’étranger. J’avais envie de vivre dans des milieux cosmopolites, ou bien me plonger dans des cultures différentes comme c’est le cas au Vietnam. Forcément, ces différences culturelles peuvent être déroutantes : on met beaucoup d’énergie à comprendre comment les gens vivent et travaillent, comment fonctionnent les interactions sociales. Se faire comprendre et transmettre n’est pas facile non plus, puisque peu de gens parlent anglais et de fait, les relations avec les collègues au travail ne sont pas les mêmes que celles que tu peux avoir en France. Pour autant, j’aime beaucoup découvrir des milieux différents: Saigon est une ville tumultueuse, et si nos codes peuvent l’interpréter comme agressive, ce n’est pas du tout le cas. Je m’y sens vraiment chez moi, même si je ressemble à une touriste à leurs yeux. Mais le fait de pouvoir échanger quelques mots avec les gens dans les commerces permet de briser la glace et de se sentir plus locale!

Pour ce qui est de l’aspect cosmopolite, je le retrouve chez moi puisque je vis en colocation avec un français, une marocaine et un anglais. Les colocataires tournent, au gré des missions de chacun. Donc, mis à part la barrière de la langue dans mon quotidien professionnel, je n’éprouve pas particulièrement de difficultés à vivre ici.

Tu as pris des cours de vietnamien ?

J’ai pris 50 heures de cours, et une fois ce package termine je n’ai pas continué. Je pense qu’avec 50 heures on peut faire de gros progrès pour beaucoup de langues mais le vietnamien est particulièrement difficile à apprendre. J’arrive à me débrouiller dans des situations du quotidien et à tenir de petites conversations simples. J’apprends ensuite un peu par la force des choses, au travail, lorsque j’écoute des discussions avec les producteurs, ou lorsque je lis des documents. Mais je le fais plus par curiosité personnelle qu’obligation pour mon travail, la plupart des étrangers n’apprennent pas ou peu le vietnamien.

Quels conseils donnerais tu à ceux qui souhaite vivre/travailler à l’étranger ?

Même si c’est très consensuel à dire, il faut réellement être ouvert, réussir à n’avoir aucun préjugé et se préparer à ce que tout puisse arriver. Je dirais qu’il faut arriver dans un pays, et se positionner les premiers mois en tant qu’observateur, pour apprendre comment les choses fonctionnent. Il ne faut pas juger, reconnaître qu’on ne sait pas comment fonctionne la société, prendre le temps de la comprendre et ensuite de s’adapter à elle, et pas l’inverse. De même, il faut beaucoup de patience et d’humilité, notamment au travail : comme je le disais tout à l’heure, tu mets beaucoup d’énergie dans la traduction, et tu ne peux pas tout maîtriser. ça peut être déroutant lorsque que tu sais qu’ailleurs, les choses pourraient être plus fluides, avancer plus vite. Il ne faut pas s’arrêter à ça, apprendre à se laisser faire, et faire confiance aux autres aussi!

Qu’est ce que l’école t’as apporté par rapport à ton quotidien ? Qu’est ce que tu aurais voulu avoir en plus?

Ce qui m’a manqué, au final je suis allée le chercher dans le master spécialisé à Montpellier. Cependant, comme je suis restée dans le milieu de l’alimentation, c’est très facile pour moi d’arriver dans une usine et de comprendre les processus, d’entrevoir les opportunités d’améliorations, ou juste de localiser les problèmes. Là dessus, la formation de l’école est un vrai plus, je trouve qu’on est bien préparés pour appréhender le secteur industriel.

Souhaites tu faire un appel aux élèves/anciens pour un coup de pouce, besoin de conseils, de partenaires, de stagiaires ?

Pour le moment nous n’avons pas d’opportunité professionnelle chez nous, cependant j’ai l’automatisme de partager les offres d’emploi via le réseau de l’école.

Si d’autres anciens travaillent dans le secteur du café ou autres soft commodities, je serais ravie de rentrer en contact, pour échanger et pourquoi pas voir ce que l’on peut faire ensemble.

Fin

L’équipe Lumière Sur remercie Aline pour son témoignage sur son parcours, ses missions au Vietnam, mais également pour avoir accepté de participer à la première version de ce format.

En effet, le projet Lumière Sur à pour vocation de mettre en avant les alumnis de l’école et la richesse de leur parcours. Nous essaierons ainsi de vous proposer régulièrement un nouveau profil en espérant créer des vocations, partager les bonnes nouvelles ou tout simplement remettre les gens en contact.

Si le projet vous plaît, n’hésitez pas à nous contacter pour:

  • nous conseiller des personnes à interviewer
  • nous rejoindre dans l’équipe d’interview
  • nous proposer des axes d’amélioration